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Glaucopsie après exposition professionnelle aux amines

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Auteurs :
Dr Mathieu WURTZ
Dr Pierre Henri BECMEUR
Dr Jimmy CHAMMAS
Zsolt Bocskei
Francine Treser
Arnaud Sauer
Claude Speeg-Schatz 1
Dr Tristan PROF. BOURCIER
Tags :
Résumé

Objectif

L’objectif est de décrire la glaucopsie, une anomalie transitoire de la vision liée à une kératite toxique secondaire à l’exposition aux amines.

Description de cas

Nous rapportons le cas d’un patient de 30 ans atteint de glaucopsie suite à une exposition professionnelle à des vapeurs chimiques d’amines.

Observation

A l’interrogatoire, le patient se plaint d’une vision floue et grisâtre bilatérale. Il dit avoir l’impression de « marcher dans le brouillard ou dans une pièce enfumée ». Les symptômes sont apparus quelques heures après avoir quitté son travail qui consiste à injecter une mousse expansive dans un moule industriel de siège automobile. L’acuité visuelle est de 10/10 Parinaud 2 aux deux yeux, les yeux sont indolores, la conjonctive ne présente pas d’hyperhémie, les pupilles sont réactives, la chambre antérieure est calme, le fond d’œil est normal. La cornée ne fixe pas la fluorescéine, mais présente un œdème épithélial microkystique limité à l’aire interpalpébrale. La partie supérieure de l’épithélium cornéen recouverte par la paupière n’est pas œdématiée. La pression intraoculaire est de 15 mmHg à droite et 14 mmHg à gauche. La microscopie spéculaire ne montre pas de polymorphisme ou de polymégathisme endothélial. La densité cellulaire endothéliale est de 2 545/mm2 à droite et 2 737/mm2 à gauche. La pachymétrie est de 529 µm à droite et 521 µm à gauche. Le médecin du travail de l’entreprise nous a informé que l’usine utilise la diéthylamine (DEA), une amine secondaire qui sert de catalyseur chimique à la polymérisation des mousses polyuréthane des sièges automobiles. Le traitement a consisté en un lavage au sérum physiologique et un collyre lubrifiant. La glaucopsie a disparu en moins de 24h et l’œdème cornéen a totalement régressé au contrôle à 48h. La pachymétrie a diminué de 5 µm à droite et 6 µm à gauche. Le patient n’a présenté aucune séquelle cornéenne à distance de l’exposition aux amines.

Discussion

Les amines sont utilisées comme catalyseurs de réactions chimiques dans de nombreux domaines industriels. La glaucopsie est identifiée depuis les années 1940 par les médecins du travail mais reste paradoxalement très méconnue par les ophtalmologistes. Le terme « glaucopsie » vient du grec « glaukos » qui signifie « bleu pâle – gris » car les patients décrivent typiquement un voile bleu - grisâtre, une vision trouble ou des halos. Les symptômes visuels apparaissent 1 à 2 heures après le début de l’exposition et régressent quelques heures après son arrêt. La baisse d’acuité visuelle due aux amines est attribuée à deux mécanismes : l’œdème cornéen résultant d’une dénaturation des protéines de l’épithélium cornéen, et la mydriase associée à une cycloplégie par paralysie des muscles ciliaires. La baisse de vue est le risque principal de la glaucopsie car elle majore le risque d’accidents du travail. L’exposition chronique aux amines n’induit pas de lésions cornéennes définitives. En dehors des amines, d’autres molécules chimiques sont susceptibles d’induire une glaucopsie comme les isocyanates, lorsqu’ils sont présents en fortes concentrations atmosphériques.

Conclusion

La glaucopsie est la manifestation visuelle de la kératite toxique liée aux amines. La prévention de l’exposition aux amines est indispensable afin de réduire le risque accidentogène lié à la glaucopsie.