Un espoir pour la DMLA atrophique ?

L’atrophie géographique (forme avancée de la DMLA atrophique) touche près d’un million de patients aux États-Unis où elle représente près d’un quart des cas de cécité irréversible. Contrairement à la DMLA néovasculaire, aucun traitement n’a pour l’instant permis de modifier le cours de cette maladie.
De nombreux travaux ont mis en évidence le rôle central de certains dérèglements du système du complément dans la DMLA en général, et dans la DMLA atrophique en particulier.
En physiologie, le système du complément joue un rôle essentiel dans l’immunité innée et adaptative, notamment en recrutant et en activant les cellules immunitaires, en assurant l’opsonisation des pathogènes ou de cellules pathologiques pour permettre leur phagocytose et en entrainant leur destruction directe par le complexe d’attaque membranaire. De nombreux travaux ont montré que des variants génétiques du facteur C3 (le composant central de l’activation du système du complément) mais également des facteurs H, I et B (qui jouent sur l’activation ou la dégradation de C3), sont très fortement associés aux formes exsudatives et atrophiques de DMLA. Des produits d’activation du complément sont d’ailleurs retrouvés à des niveaux élevés dans le plasma et certains tissus de patients atteints de DMLA (notamment dans les drusens). En outre, le stress oxydatif (notamment généré par la lumière bleue) serait impliqué dans la DMLA via l’activation du complément. Bien qu’il persiste des zones d’ombre sur le rôle précis de l’activation du complément dans le développement et la progression de la DMLA, le facteur C3 semble constituer une cible thérapeutique attractive…
L’étude de Liao et al., publiée dans le numéro de février d’Ophthalmology, apporte des résultats très prometteurs en termes d’efficacité, mais très décevants en termes d’effets indésirables.
En effet, les auteurs étudiaient l’effet du pegcetacoplan - un inhibiteur du C3 - délivré par injection intravitréenne (15mg dans 100microL) sur l’atrophie géographique (AG), dans une étude de phase 2 multicentrique, randomisée et contrôlée. L’étude visait des patients âgés de plus de 50 ans. Les yeux inclus devaient avoir une acuité visuelle supérieure à 1/20, une surface d’atrophie comprise entre 2,5 et 17,5 mm2, et être indemnes d’antécédent ou de lésions néovasculaires choroïdiennes actives.

Les sujets enrôlés (un œil par patient) recevaient des injections intravitréennes mensuelles (N=86) ou bimensuelles de pegcetacoplan (N=79) ou bien des simulacres d’IVT mensuelles ou bimensuelles (N=40). Le critère de jugement principal était la progression de la surface d’AG à 12 mois, évaluée sur des clichés en autofluorescence analysés dans un centre de lecture indépendant. Les critères de jugement secondaires comprenaient, entre autres, l’acuité visuelle mesurée dans différentes conditions de luminosité.
Commençons par l’aspect prometteur des résultats : la vitesse de croissance de l’AG était significativement réduite dans les 2 groupes de traitement par rapport aux données poolées des 2 groupes contrôle : la réduction atteignait 20% dans le groupe IVT bimensuelles et 29% dans le groupe IVT mensuelles.
La déception provenait surtout d’un effet inattendu du traitement : le développement de néovascularisation choroïdienne de manière beaucoup plus fréquente dans les groupes traités par pegcetacoplan (21% dans le groupe IVT mensuelles, 9% dans le groupe IVT bimensuelles contre 1% dans le groupe placebo). En outre, le traitement n’avait aucun effet sur les différentes mesures d’acuité visuelle.
En parallèle, l’influence de 47 variants génétiques associés à la DMLA, incluant des variants des facteurs B, I, H, C2, et C3 du complément étaient étudiés, mais aucun n’était associé à une meilleure réponse au traitement.
Les auteurs tentent d’expliquer cet effet indésirable par l’effet indirectement pro-angiogénique du pegcetacoplan. En inhibant l’activation du C3, la drogue empêcherait le dépôt de C3 sur les cellules endothéliales, leur permettant ainsi d’échapper à la phagocytose, et du coup de survivre et de proliférer. Par ailleurs, Ils déploraient eux-mêmes l’absence de mesures fonctionnelles plus précises que l’acuité visuelle, telles que la micropérimétrie ou la vitesse de lecture, qui auraient peut-être apporté une preuve d’efficacité du pegcetacoplan sur la fonction visuelle.
Au total, la preuve de concept est de taille, mais une molécule qui ne fait pas la preuve de son efficacité sur la fonction visuelle et multiplie par 10 le risque de déclencher une autre pathologie cécitante qu’on sait contrôler, mais pas guérir, semble partir avec de sérieux handicaps…Espérons toutefois que cette « première » suscitera une nouvelle dynamique dans ce domaine de la rétine médicale où les bonnes nouvelles sont rares…

Liao DS, Grossi FV, El Mehdi D, Gerber MR, Brown DM, Heier JS, Wykoff CC, Singerman LJ, Abraham P, Grassmann F, Nuernberg P, Weber BHF, Deschatelets P, Kim RY, Chung CY, Ribeiro RM, Hamdani M, Rosenfeld PJ, Boyer DS, Slakter JS, Francois CG. Complement C3 inhibitor pegcetacoplan for geographic atrophy secondary to age-related macular degeneration: a randomized phase 2 trial. Ophthalmology. 2020 Feb;127(2):186-195.

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine médicale.