Tout ce qu’il faut savoir sur les bestrophinopathies autosomiques récessives…

Rousseau Antoine
Fenolland Jean-Rémi

Revue de la presse de mai 2021

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Tout ce qu’il faut savoir sur les bestrophinopathies autosomiques récessives…

Nous ne sommes pas tous familiers avec les « bestrophinopathies », même si nous avons tous en tête les images typiques de la maladie de Best, qui est à l’origine de ce néologisme très technique.  La publication de Casalino et al., dans le numéro de mai d’Ophthalmology, rapporte une série d’une ampleur et d’une précision inédite d’une forme clinique rare et particulière de ce groupe de maladies, à savoir, les bestrophinopathies autosomiques récessives.

L’introduction de l’article pose parfaitement le décor pour les non-spécialistes. Les bestrophinopathies constituent un groupe de pathologies rétiniennes héréditaires causées par un variant pathogène de la bestrophine, un canal membranaire des cellules de l’épithélium pigmenté (EP) codée par le gène BEST1.

La plupart des bestrophinopathies sont transmises sur un mode autosomique dominant, avec 3 grands phénotypes possibles, en fonction des mutations :

  1. Les formes avec atteinte maculaire prédominante : maladie de Best et dystrophie vitelliforme de l’adulte,
  2. Les formes avec atteinte rétinienne généralisée : vitréo-rétinochoroïdopathie autosomique dominante et dystrophie rod-cone,
  3. Les pathologies avec atteinte associée du segment antérieur, qui peuvent associer dystrophie rod-cone, staphylome, microcornée et/ou cataracte précoce.

Les bestrophinopathies autosomiques récessives, qui sont la conséquence de mutations pathogènes sur les 2 allèles du gène BEST1, n’ont été décrites que récemment (publications princeps en 2006 et 2008). Jusqu’à aujourd’hui, de petites séries de cas avaient permis de définir les grandes lignes du phénotype de ces formes très rares. Il associe des dépôts vitelliformes multifocaux avec des zones hyper et hypo-autofluorescentes au pôle postérieur, des irrégularités de l’EP, la présence de liquide intra et sous-rétinien (LIR et LSR), une hypermétropie, et fréquemment une chambre antérieure étroite avec une prédisposition au glaucome par fermeture de l’angle. Les anomalies de l’électrorétinogramme apparaissent dans l’enfance tardive ou à l’adolescence et traduisent une dysfonction des cônes et des bâtonnets, mais ce sont surtout les altérations profondes de la réponse à la lumière sur l’électro-oculogramme qui sont caractéristiques, témoignant de la dysfonction prédominante de l’EP.

La série rétrospective de Casalino et al. regroupait 56 yeux de 28 patients non apparentés pris en charge à l’Hôpital ophtalmologique Moorfields à Londres, pour lesquels un examen clinique ophtalmologique complet, les résultats d’explorations rétiniennes multimodales, une caractérisation génétique et un suivi au long cours (> 5 ans) étaient disponibles.

L’âge à la première consultation était de 26,7 ± 15,3 and avec 10 patients âgés de moins de 18 ans, sans prédominance de sexe. Tous les patients sauf un étaient hypermétropes, et 8 (31%) ont présenté un glaucome à angle fermé (4 patients avaient déjà subi une iridotomie bilatérale, et 5 une extraction de cristallin clair bilatérale). Les circonstances ayant conduit au diagnostic étaient identifiées pour 18 patients : baisse de la vision centrale dans 12 cas, crise de fermeture de l’angle dans 2 cas, strabisme dans 2 cas, et découverte fortuite d’anomalies rétiniennes dans 2 cas. L’acuité visuelle au moment du diagnostic était de 0,5±0,3 logMAR (soit 3/10 en moyenne), tandis qu’elle était de 0,8 ±0,7 (1,6/10) en fin de suivi. La présence de LSR et de matériel vitelliformes étaient présentes précocement chez une majorité de patients.

Une réduction de l’épaisseur rétinienne centrale était observée chez 80% des patients au cours du suivi. Les patients qui présentaient une dysfonction généralisée des bâtonnets et des cônes (10/26) étaient plus âgés et avaient une acuité visuelle moins bonne que ceux dont l’ERG était normal.  Sur le plan génétique, une majorité de patients (19/28) étaient des hétérozygotes composés (porteurs de mutations pathogènes différentes sur chaque allèle), Une mutation particulière était retrouvée sur 6 allèles de 6 patients apparemment non-apparentés.

Le lecteur trouvera dans l’article une description exhaustive des phénotypes rétiniens, des différents profils évolutifs et des caractéristiques génétiques des patients qui fait toute la valeur de cette série exceptionnelle. La variabilité des anomalies génétiques, dont les mécanismes physiopathologiques présumés sont discutés dans l’article, explique bien la variabilité phénotypique observée, notamment en termes de sévérité des atteintes rétiniennes.

Alors que les outils de thérapie génique pour les maladies héréditaires récessives (telle que l’amaurose congénitale de Leber) sont en plein essor, cette description détaillée apparait comme un préalable précieux pour définir les futures stratégies thérapeutiques (quand et qui traiter).

Le seul point faible de l’article se trouve dans la description des anomalies du segment antérieur et de l’angle irido-cornéen, malheureusement très sommaire, et dont la prise en charge comptera pourtant tout autant que les anomalies rétiniennes pour éviter la cécité chez ces patients.

 

Casalino G, Khan KN, Armengol M, Wright G, Pontikos N, Georgiou M, Webster AR, Robson AG, Grewal PS, Michaelides M. Autosomal Recessive Bestrophinopathy: Clinical Features, Natural History, and Genetic Findings in Preparation for Clinical Trials. Ophthalmology. 2021 May;128(5):706-718.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine / glaucome.