Quel volume opératoire est nécessaire pour être performant en chirurgie de la cataracte ?

Cataracte

La prise en charge des cataractes dans des structures « à gros volume » est un impératif de santé publique pour des pays comme l’Inde ou la Chine où la démographie impose une organisation des soins très particulière. Cox et al. ont tiré profit des grandes quantité de données recueillies dans un groupement d’hôpitaux ophtalmologiques du Sud de l’Inde pour analyser l’acuité visuelle non corrigée (AVNC) et le taux de complication en fonction du volume d’activité des chirurgiens.
Pour cela, les auteurs ont recueilli rétrospectivement les données des 91 000 chirurgies de cataracte réalisées en 2015 dans leur groupement hospitalier, et ont exclu tous les patients âgés de moins de 16 ans, atteints de comorbidités oculaires, n’ayant pas été implantés ou implantés avec un implant ne correspondant pas à l’implant prévu (tous les implants étaient calculés pour viser l’emmétropie), et enfin tout ceux dont l’examen de vue à au moins 3 semaines post-opératoire n’était pas disponible. 
Ils ont également exclu toutes les procédures réalisées par des internes, des chirurgiens débutants (ayant réalisé moins de 100 cataractes en autonomie complète), et des chirurgiens réalisant moins de 50 cataractes par an. Les complications per et post-opératoires étaient notées. Enfin, La difficulté technique des cataractes était classée par ordre croissant en 3 niveaux, et seules les cataractes de niveau 1 étaient analysées, afin de permettre une meilleure comparabilité entre les sous-groupes. Les implants ayant reçu des implants toriques et/ou multifocaux étaient exclus de l’analyse. 

Pour faciliter l’analyse 1) les procédures étaient catégorisées selon la technique chirurgicale employée : phako-émulsification (PKE), ou une variante d’extraction extracapsulaire par petite incision scléro-cornéenne, non suturée, très pratiquée en Inde (SICS, pour Small Incision Cataract Surgery) 2) les volumes opératoires annuels des chirurgiens étaient classés en 6 catégories : 100-250, 250-500, 500-1 000, 1 000-1500, 1 500-2 000 et plus de 2 000. Une fois la sélection et le tri effectués, les données de 36 000 yeux étaient analysées.  
 

Pour commencer, la comparaison des 2 techniques chirurgicales était très en faveur de la PKE en terme d’AVNC : 8/10 en moyenne contre 4/10 pour la SICS (p<0,001). 
Ensuite, et de manière générale, les résultats d’AVNC s’amélioraient en fonction du volume annuel du chirurgien, avec un effet plateau à partir de 500-1 000 cataractes par an.
Cependant, en ce qui concerne la SICS, l’analyse bivariée ne mettait pas en évidence d’association entre le volume annuel de cas, ni même le nombre d’années d’expérience du chirurgien et l’AVNC post-opératoire. En revanche, un âge plus jeune du patient était statistiquement associé à une meilleure AVNC postopératoire.  
Pour la PKE, l’association entre volume d’acte annuel et AVNC post-opératoire était significative, et permettait une modélisation statistique sous la forme d’une courbe logarithmique, dont le point d’inflexion se situait à 350 procédures par an. En d’autres termes, en dessous de 350 PKE/ an, l’AVNC chute très vite à mesure que le nombre de PKE diminue, et à l’inverse, au-dessus de 350 PKE par an, elle ne s’améliore quasiment plus. 
L’analyse multivariée ajustée pour l’âge des patients et l’expérience du chirurgien en nombre d’années et de cas, retrouvait une diminution significative du taux de complication à mesure que le nombre de cas annuel augmentait, de manière plus prononcée dans le groupe PKE que dans le groupe SICS, avec des diminutions respectives des taux de complication de 0,1% et 0,03% pour chaque centaine de cas annuels. L’analyse multivariée mettait également en évidence qu’un âge jeune des patients et que l’expérience du chirurgien (en termes de nombre de cas) étaient associés à une fréquence moindre de complications, tant pour les SICS que pour la PKE. 
Même si l’organisation des soins en Inde est très différente de celle de notre pays, ces données confirment sans surprise, l’intérêt d’opérer suffisamment pour réduire le taux de complication. Il en va de même en ce qui concerne le résultat fonctionnel, à la différence près que les résultats montrent bien qu’il n’y a pas d’argument pour des volumes opératoires très importants. 
Si l’AVNC constitue un critère de jugement principal astucieux, il présente également des limites dans cette étude. D’une part, les auteurs ne précisent pas si les yeux porteurs d’un astigmatisme cornéen significatif étaient tous implantés avec des implants toriques (et donc de facto exclu de l’analyse). Par ailleurs, l’exclusion de toutes les cataractes difficiles ne permet pas de juger du degré de technicité des chirurgiens ayant participé à l’étude. 
 


Cox JT, Subburaman GB, Munoz B, Friedman DS, Ravindran RD. Visual acuity outcomes after cataract surgery: high-volume versus low-volume surgeons. Ophthalmology. 2019 Apr 9. pii: S0161-6420(18)31302-2. doi: 10.1016/j.ophtha.2019.03.033. 

Reviewer : Antoine Rousseau