L’impact écologique des médicaments non utilises lors de la chirurgie de la cataracte

Cataracte

Aux États-Unis, le secteur de la santé génère 10% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre du pays. En Europe, il s’agit du 3ème émetteur après les transports et les activités résidentielles. L’approvisionnement des soins de santé est principalement en cause, représentant près des trois quarts des émissions de ce secteur. La chirurgie de la cataracte occupe bien sûr une position particulière, dans la mesure où il s’agit de l’une des procédures les plus pratiquées dans le monde, avec plus de 20 millions d’actes par an. 
Dans le dernier numéro de JAMA Ophthalmology, Tauber et al. ont tenté de mesurer une partie de l’impact environnemental de cette chirurgie aux États-Unis, en particulier, celui lié aux médicaments non utilisés. 
Pour cela, ils ont mesuré sur 10 chirurgies de cataracte standard, et dans 4 types de structures (Centre de chirurgie ambulatoire privé, centre tertiaire, centre de prise en charge externe, et enfin centre fédéral de prise en charge des vétérans) les quantités de médicaments non utilisés, et ont évalué leur coût et leur impact environnemental, en estimant le poids généré de dioxyde de carbone (gaz à effet de serre), de particules fines, et d’azote. 
Ils incluaient dans les médicaments non utilisés tous les collyres, injections oculaires et drogues systémiques employés en peropératoire. 
La proportion de médicaments non utilisés variait beaucoup selon les structures, de 21% dans le centre tertiaire à 65% dans le centre ambulatoire. De même, le coût associé à ce « gâchis » variait de 41$ par chirurgie dans le centre de soins externes, à 217$ dans le centre de chirurgie ambulatoire.
 

Concernant les émissions de gaz à effet de serre liés à ces médicaments non utilisés, elles variaient de 418kg à 2500 kg de CO2 par mois, en fonction des centres. Ils généraient par ailleurs 0,8 à 4,5 kg de particules fines et 0,07 à 0,45 kg d’azote par mois.
En extrapolant ces chiffres à l’ensemble des États-Unis, les auteurs estimaient que les drogues non utilisées au cours de la chirurgie de la cataracte, généraient entre 25 000 et 100 000 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent des émissions générées par une automobile parcourant 100 à 400 millions de km par an…

De nombreux éléments rendent l’interprétation de cette étude délicate, et limitent son applicabilité à nos structures européennes. D’une part, l’échantillon de 10 chirurgies par centre n’est peut-être pas suffisant pour être représentatif, mais surtout, la plupart des collyres utilisés dans ces structures de soin nord-américaines sont conditionnés en flacon, ce qui explique une grande partie du gâchis, alors que les unidoses sont beaucoup plus répandues en Europe. 
En outre, il est très frustrant de ne trouver aucune analyse sur les nombreux autres consommables utilisés lors de la chirurgie de cataracte, notamment les instruments jetables, mais également les champs et les casaques. 
A défaut d’être exhaustif et directement extrapolable à nos structures, cet article soulève une question qui devrait être au centre de nos préoccupations : comment réduire l’impact écologique de notre activité professionnelle, tout en conservant le niveau de sécurité et de qualité des soins actuels…
 


Tauber J, Chinwuba I, Kleyn D, Rothschild M, Kahn J, Thiel CL. Quantification of the cost and potential environmental effects of unused pharmaceutical products in cataract surgery. JAMA Ophthalmol. 2019 Aug 1. doi: 10.1001/jamaophthalmol.2019.2901.

Reviewer : Antoine Rousseau