Les corticoïdes post-opératoires diminuent le risque d’opacification capsulaire postérieure

Cataracte

Les corticoïdes post-opératoires diminuent le risque d’opacification capsulaire postérieure

La fréquence de l’opacification capsulaire postérieure (OCP) après chirurgie de cataracte chez l’adulte a beaucoup diminué au cours des dernières années, en grande partie grâce aux progrès réalisés sur les implants. Ces derniers ont d’ailleurs toujours été considérés comme le facteur de risque majeur, avec un sur-risque bien décrit pour les implants hydrophiles. En revanche, avant l’étude menée par Hecht et al. publiée ce mois dans l’American Journal of Ophthalmology, nous disposions de peu de données sur l’influence du traitement postopératoire sur la survenue d’une OCP.
Pour répondre à cette question, les auteurs analysaient rétrospectivement la fréquence des capsulotomies au laser NdYag sur 2 grandes cohortes de patients opérés de la cataracte entre 2014 et 2018. Les résultats de la première cohorte (données de l’Hôpital Universitaire d’Helsinki) sont détaillés dans l’article, tandis que les résultats de la seconde (issus d’un autre centre tertiaire), mis à disposition des lecteurs sur le site internet du journal, corroboraient les premières données.
Afin d’éliminer les biais les plus importants, seuls les yeux opérés sans rupture capsulaire, et implantés avec une lentille monofocale acrylique hydrophobe du même modèle (Tecnis, Johnson & Johnson) étaient inclus (un œil par patient). L’indication de capsulotomie était une baisse de vision significative (malheureusement sans seuil fixé a priori, et à la discrétion du chirurgien). Les comorbidités oculaires étaient recueillies (pseudo exfoliation - PEX -, rétinopathie diabétique, glaucome…), de même que le risque opératoire (gradé en préopératoire pour tous les yeux de 1 - faible - à 3 - fort -), et les particularités opératoires telles que l’utilisation de dispositifs dilatateurs de l’iris ou d’anneaux de sac.
Mais c’était surtout, le traitement postopératoire qui était analysé.

La première cohorte comportait 13 368 yeux ayant subi une opération de cataracte et remplissant les critères d’inclusion et d’exclusion. Les patients opérés avaient un âge de 73 ± 10 ans, avec 10% de PEX et un suivi de 23 ± 16 mois. Près de 29% des patients avaient reçu des corticoïdes en monothérapie, 62% des AINS en monothérapie et 9% une combinaison des 2. La présence d’un collyre aux corticoïdes dans l’ordonnance post-opératoire était associée à une diminution du risque de capsulotomie avec un rapport de risque (RR) de 0,76 (intervalle de confiance = 0,62-0,93, p = 0,009). L’association des corticoïdes avec un AINS n’apportait aucun bénéfice. Le rôle préventif des corticoïdes sur l’OCP était confirmé par l’analyse de régression ajustée pour l’âge, le sexe, la PEX et le risque opératoire était également significative (RR = 0,70, IC = 0,52-0,88, p=0,001). En outre, parmi les autres facteurs de risque d’OCP étudiés, seul un âge < 65 ans était significativement associé à une plus grande incidence d’OCP cliniquement significative. Sans rentrer dans les détails, les résultats étaient tout à fait comparables sur la seconde cohorte.
Bien sûr, on peut critiquer certains aspects de cette étude rétrospective : l’absence de mesure de l’acuité visuelle post-opératoire et pré-capsulotomie, ou même de quantification objective de l’OCP (qui aurait pu être réalisée par aberrométrie par exemple) ou encore de classification clinique (fibrose du sac ou perles d’Elschnig, qui n’ont pas la même physiopathologie). En outre, près de 45 chirurgiens (certes, tous expérimentés) étaient impliqués, avec la variabilité de technique (et notamment de nettoyage du sac) que cela peut induire. Enfin, la durée de suivi est assez hétérogène, et a pu induire un biais significatif. Toutefois, les résultats font preuve d’une certaine solidité statistique, et pourraient conduire certains chirurgiens à modifier leurs pratiques. A l’inverse, pour ceux qui n’utiliseraient que des AINS, la comparaison des prévalences d’OCP à 3 ans selon les traitements (5% avec corticoïdes vs 7% sans corticoïdes) prédit qu’une OCP pourrait être évitée tous les 50 patients recevant en plus une corticothérapie.

 

Hecht I, Karesvuo P, Achiron A, Elbaz U, Laine I, Tuuminen R. Anti-inflammatory medication after cataract surgery and posterior capsular opacification. Am J Ophthalmol. 2020.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : cataracte.