Laser combiné SLT/YAG : quand la capsulotomie tourne mal…

La capsulotomie au laser Yag est le traitement de référence de l’opacification secondaire du sac capsulaire après chirurgie de la cataracte, souvent dénommée « cataracte secondaire ». Alors que cette procédure physique est relativement simple dans sa réalisation, une alerte est lancée dans la revue Ophthalmology à la suite de plusieurs cas rapportés aux USA de lésions rétiniennes maculaires malheureusement dramatiques.
Ces complications sont survenues chez des patients traités sur des appareils de type combo couplant laser YAG et SLT, appareils qui sont relativement diffusés et pratiques à utiliser en raison du gain de place dans les salles dédiées aux traitements lasers.

Pour mémoire, le laser YAG utilisé dans le traitement des opacifications capsulaires émet dans l’infrarouge, à une longueur d’onde de 1064 nm. Une impulsion ultra-brève permet de délivrer une grande quantité d’énergie afin d’obtenir un effet photodisruptif qui permet littéralement de « couper » la capsule postérieure opacifiée. Cette énergie lumineuse est délivrée dans un volume de 10 µm de diamètre centré sur le plan focal choisi par l’opérateur, avec un cône de délivrance d’énergie de 16 degrés d’amplitude. Ainsi la lumière incidente va très largement diverger au-delà de son plan focal, et l’énergie délivrée au niveau des structures endoculaires (rétine, épithélium pigmenté rétinien et choroïde) est finalement négligeable lorsque l’impact vise la capsule postérieure.
Lorsque le laser combo est en position SLT, les choses sont totalement différentes. Tout d’abord, le laser grenat d’yttrium et d’aluminium dopé au néodyme (ou Nd:YAG) émet à 532 nm, soit dans le vert (visible). Ainsi, cette longueur d’onde peut potentiellement être parfaitement et totalement absorbée par la rétine et l’épithélium pigmenté rétinien (EPR). D’autre part, le laser SLT traite une zone de 400 µm englobant facilement le trabéculum pigmenté, et ce diamètre est obtenu par un cône d’illumination de 3 degrés. Cette faible divergence peut engendrer une irradiation mettant en jeu l’intégrité de la rétine si le plan de visée est, de manière involontaire, autre chose que la trabéculum, par exemple la capsule postérieure ...

Cette publication rapporte le cas d’un œil qui a, par erreur, été traité pas laser SLT au cours d’une tentative de capsulotomie. L’ophtalmologiste en cause a d’ailleurs signalé dans le dossier du patient ne pas être en mesure d’effectuer la capsulotomie, et comme il suspectait un problème de focalisation du laser sur la capsule, il a donc décidé d’arrêter le traitement en raison de l’inefficacité des impacts à ouvrir la capsule. En réalité le problème était malheureusement une erreur dans le choix de la longueur d’onde.
En imagerie multimodale de la rétine, les conséquences dramatiques ont été objectivées une semaine plus tard : les photos couleur objectivaient un aspect en motte de l’épithélium pigmenté rétinien photocoagulé en plein centre de la macula, avec des hémorragies profondes tandis que l’autofluorescence montrait une vaste zone correspondante d’hyper-autofluorescence. L’imagerie en OCT révélait des dégâts malheureusement irrémédiables d’emblée avec une augmentation de l’épaisseur de l’épithélium pigmenté et une disruption des couches rétiniennes externes. A 3 mois, les rétinophotographies retrouvaient un aspect d’hyperplasie de l’épithélium pigmenté tandis que les hémorragies avaient disparu. En autofluorescence, la lésion rétinienne centrale était désormais hypo-autofluorescente et l’OCT montrait une atrophie maculaire dans la zone photocoagulée, accompagnée d’une disruption de l’épithélium pigmenté et des couches externes rétiniennes. L’acuité visuelle était limitée à « compte les doigts » à 4 mois du traitement.

Les lasers combo SLT/YAG peuvent malheureusement engendrer une grave maculopathie en cas d’erreur de sélection du mode d’émission laser. Les auteurs recommandent aux fabricants de systématiquement demander une confirmation lors du choix du type de longueur d’onde par l’opérateur, et aussi de différencier la couleur du fond de l’écran de commande du laser afin que l’éclairage soit vert pour le SLT et rouge pour le YAG, ce qui permettrait probablement de limiter la survenue de tels accidents.

Ledesma-Gil G, Yannuzzi LA, Freund KB, Mainster MA. Dual-mode Capsulotomy and Selective Laser Trabeculoplasty Lasers Continue to Cause Severe, Permanent Macular Injuries. Ophthalmology. 2020 Dec;127(12):1766-1768.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : cataracte