Iridotomie périphérique : ne pas surtraiter !

Revue de la presse de mai 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Iridotomie périphérique : ne pas surtraiter !

L’essai randomisé et contrôlé ZAP, publié dans la revue Lancet en avril 2019, a montré sur une vaste population de patients chinois âgés de 50 à 70 ans que le bénéfice d’une iridotomie périphérique au laser (IP) réalisée de façon préventive devant une simple suspicion de fermeture primitive de l’angle (définie dans cette étude par un contact irido-trabéculaire sur au moins 180°, en l’absence de synéchies antérieures périphériques-SAP- ou de pression intraoculaire -PIO- supérieure à 21 mmHg) n’avait pas une rentabilité importante. Depuis cette publication, une IP est désormais préconisée en cas de suspicion de fermeture primitive de l’angle si elle est associée à un facteur de risque (monophtalmie, antécédent familial de fermeture aiguë de l’angle, dilatation pupillaire récurrente, traitement médical à risque de fermeture, patient vivant dans un désert médical).

Une nouvelle étude, cette fois-ci réalisée à Singapour, traite du même sujet et avec exactement les mêmes conclusions, ce qui ne fait que renforcer les nouvelles recommandations de réaliser une IP selon le référentiel de l’European Glaucoma Society.

Dans cette nouvelle étude prospective, multicentrique randomisée et contrôlée, les patients recrutés étaient âgés de plus de 50 ans, et présentaient une suspicion de fermeture primitive de l’angle en gonioscopie. Un œil était traité de façon préventive par IP, tandis que l’autre œil servait de contrôle. La durée de suivi était fixée à 5 ans et l’objectif primaire de cette étude était d’estimer l’effet préventif de l’IP sur i) la survenue d’une fermeture primitive de l’angle définie par l’apparition de SAP, une élévation de la PIO à plus de 21 mmHg ; ii) la survenue d’une fermeture aigue de l’angle ; et iii) l’apparition d’un glaucome chronique par fermeture de l’angle. Soulignons que comme dans l’étude ZAP, un test de provocation par dilatation pupillaire était réalisé à l’inclusion et que tous les patients qui présentaient une élévation de plus de 15 mmHg étaient exclus de l’étude pour des raisons éthiques évidentes (et probablement traité par IP à visée thérapeutique…). Les patients avec une PIO de plus de 21 mmHg (pour une cornée d’épaisseur normale) au moment de la visite d’inclusion n’étaient finalement pas retenus, et cette attitude pourrait d’ailleurs s’appliquer à notre pratique quotidienne.

Ainsi 480 patients ont été inclus et traités par IP dans un œil après randomisation. L’âge moyen était de 62,8 ans, 75,8% étaient de sexe féminin et 92,7% étaient asiatiques. Au bout des 5 ans de suivi, 24 yeux traités (5%) par IP avaient franchis un des 3 critères de suivi contre 45 (9,4%) pour les yeux non traités (p=0,001). Cela revient à dire qu’il fallait traiter préventivement 22 yeux afin d’éviter la survenue d’un des 3 critères de suivi pour un oeil. En analysant plus en détail les résultats à 5 ans, l’IP avait permis de limiter la survenue de synéchies antérieures périphériques (1,3% dans le groupe IP contre 4,9% dans le groupe non traité (p<0,0001), la progression vers un glaucome primitif par fermeture de l’angle était exceptionnelle et sans rapport avec la réalisation d’une IP (0,6% dans le groupe IP contre 1,5% dans le groupe contrôle, p=0,32) et enfin, encore moins d’yeux présentaient une élévation de PIO à plus de 21 mmHg ou une fermeture aigue de l’angle (0,2% dans le groupe IP contre 0,4% dans le groupe non traité ; p=0,57).

Au total, cette nouvelle étude complète utilement les données de l’étude ZAP. Il est tout de même à noter que l’extrapolation vers une population caucasienne n’est pas forcément évidente en raison des différences bien connues dans la prévalence des angles étroits, et que la méthodologie excluait tous les meilleurs candidats à la réalisation d’une IP. Cependant, ces différentes études confirment que les indications des IP à visée préventive sont probablement moindres que ce qui est actuellement réalisé dans nos patientèles. L’étude de Baskaran et al permet de souligner l’intérêt de réaliser un suivi gonioscopique répété chez les patients avec un angle suspect de fermeture et incite à mieux personnaliser le traitement préventif en tenant compte des facteurs de risque.

 

Baskaran M, Kumar RS, Friedman DS, Lu QS, Wong HT, Chew PTK, Lavanya R, Narayanaswamy A, Perera SA, Foster PJ, Aung T. The Singapore asymptomatic narrow angles laser iridotomy study: five-year results of a randomized controlled trial. Ophthalmology. 2022 Feb;129(2):147-158.

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland thématique : glaucome