Efficacité et tolérance à long terme des anti-TNF alpha

Revue de la presse de septembre 2021

 

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau

Coordination : Marc Labetoulle

 

Revues sélectionnées :                                                                        

Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 

Efficacité et tolérance à long terme des anti-TNF alpha

 

L‘étude VISUAL 2, publiée dans le Lancet en 2016, qui démontrait l’efficacité de l’adalimumab (un anticorps monoclonal anti-TNFα) par voie sous cutanée pour contrôler les uvéites non infectieuses, a très significativement influencé la prise en charge de ces pathologies1. Ce médicament a en effet été le premier traitement systémique à recevoir une AMM dans cette indication*. Bien que les anti-TNFα fussent déjà recommandés et prescrits dans certaines situations - notamment l’infliximab pour les atteintes oculaires sévères de la maladie de Behçet - ce sésame officiel a largement modifié les pratiques.

Nos collègues anglais de Bristol et Oxford, menés par le Pr Andrew Dick, ont voulu analyser l’efficacité et la tolérance au long cours des anti-TNFα prescrits chez l’adulte dans le cadre de pathologies oculaires inflammatoires (uvéites et sclérites) non infectieuses. Ils ont pour cela suivi prospectivement une cohorte de 43 patients traités par anti-TNFα pendant plus d’un an (34 sous infliximab et 9 sous adalimumab) avec des contrôles tous les 6 mois pendant 8 ans. Chaque visite comportait entre autres une évaluation clinique standardisée avec cotation de l’activité et des complications de l’inflammation intraoculaire, la collecte des effets secondaires, les antécédents de traitement « de sauvetage » par corticoïdes, ainsi qu’un questionnaire de qualité de vie.

Durant la période de l’étude, la durée médiane de traitement par était de 3,2 ans pour l’infliximab et de 2,4 ans pour l’adalimumab. Une rémission durable était obtenue chez 91% après une durée médiane de traitement de 1,2 ans (pas de différence entre les 2 molécules) Alors qu’ils étaient sous traitement, 22 patients (51%) ont subi une rechute, tandis que 5 (12%) en ont subi deux. Plus de la moitié des patients (23 / 54%) ont développé au moins un effet indésirable imputable au traitement tandis que dans 9% des cas, l’effet indésirable était sévère, avec interruption du traitement et/ou hospitalisation. Le taux d’effets indésirables (évalué en patient par année) était comparable pour les 2 anti-TNFα étudiés. Parmi les effets indésirables sévères, un patient a contracté une tuberculose miliaire sous traitement, alors qu’il avait bien eu le bilan pré-thérapeutique ad hoc, et un autre a développé un lymphome non-hodgkinien.

Durant le suivi, dix patients (23%) changeaient de traitement pour un autre anti-TNFα ou un autre traitement biologique. Par ailleurs, les scores de qualité de vie n’étaient pas significativement améliorés au cours du traitement.

Cette étude confirme bien sûr l’efficacité des anti-TNFα, mais rappellent également que la vigilance reste essentielle, notamment sur le long terme. A cet égard, les auteurs rappellent dans la discussion les taux d’occurrence de néoplasie rapportés dans des études comparables, compris entre 2,5 et 10%.

Par ailleurs, il faut noter que la portée des résultats est quelque peu limitée par des faiblesses inhérentes à l’étude. D’une part, elle a été menée entre 2006 et 2014, donc avant l’étude VISUAL2 et l’AMM de l’adalimumab, ce qui explique la sur-représentation de l’infliximab dans la cohorte. Or si l'infliximab est un anticorps chimérique humanisé à 75 %, l'adalimumab est quant à lui humanisé à 100 %, ce qui diminue théoriquement pour ce dernier le risque d’immunisation contre le médicament, synonyme de réaction allergique et de baisse d’efficacité au long terme :  les 2 médicaments ne sont donc pas vraiment comparables.

En outre, cette dernière est très hétérogène en termes d’étiologies (de l’uvéite antérieure idiopathique à l’uvéite postérieure sévère du Behçet) et de traitements immunosuppresseurs associés. Cela représente certes bien le polymorphisme des patients ayant une indication d’anti-TNFα, mais ne permet absolument pas une analyse en sous-groupes d’étiologies qui aurait pourtant été très instructive. Nous partageons donc pleinement la conclusion des auteurs de cet article : les anti-TNFα sont souvent efficaces, mais la recherche d’autres options thérapeutiques reste nécessaire, de même que l’évaluation précise des situations dans lesquelles leur bénéfice est optimal.  

 

1) Nguyen QD, Merrill PT, Jaffe GJ, Dick AD, Kurup SK, Sheppard J, Schlaen A, Pavesio C, Cimino L, Van Calster J, Camez AA, Kwatra NV, Song AP, Kron M, Tari S, Brézin AP. Adalimumab for prevention of uveitic flare in patients with inactive non-infectious uveitis controlled by corticosteroids (VISUAL II): a multicentre, double-masked, randomised, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet. 2016 Sep 17;388(10050):1183-92.

 

* Traitement de 2ème intention de l’uvéite non infectieuse intermédiaire, postérieure et de la panuvéite chez les adultes ayant eu une réponse insuffisante à la corticothérapie, chez les patients nécessitant une épargne cortisonique, ou chez lesquels la corticothérapie est inappropriée, en association ou non avec un immunosuppresseur

 

Sharma SM, Damato E, Hinchcliffe AE, Andrews CD, Myint K, Lee R, Dick AD. Long-term efficacy and tolerability of TNFα inhibitors in the treatment of non-infectious ocular inflammation: an 8-year prospective surveillance study. Br J Ophthalmol. 2021 Sep;105(9):1256-1262.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : uvéite