De l’intérêt de polir la capsule du cristallin

Revue de la presse Juillet - Août 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


De l’intérêt de polir la capsule du cristallin…

Le numéro de juillet de l’American Journal of Ophthalmology s’ouvre sur une revue de littérature très engagée en faveur de l’ablation la plus complète possible des cellules épithéliales du cristallin lors de la phako-émulsification : autrement dit, un véritable plaidoyer pour le polissage capsulaire intégral ! Sans que les auteurs le précisent explicitement, on peut imaginer ce qui les a motivés : le constat que, pressés par le volume de chirurgies à accomplir, et confiants dans les résultats à court terme de l’opération, tout simplement considérée comme « la plus performante de toutes les procédures chirurgicales modernes, avec un taux de succès inégalé »,1 certains ophtalmologistes pourraient négliger cette étape pour réduire la durée de l‘acte.

Les auteurs nous rappellent que loin d’être inertes, les cellules épithéliales du cristallin ont des capacités de prolifération - en particulier celles situées à l’équateur du sac capsulaire, puisqu’il s’agit de cellules souches - qui sont largement stimulées par le relargage de facteurs de croissance et de cytokines provoqué par toute chirurgie de cataracte, aussi simple soit elle.

Les conséquences de leur prolifération, et de leur métaplasie en myofibroblastes sont multiples :
- La plus commune et la plus rapide à survenir est l’apparition des perles d’Elschnig puis l’opacification capsulaire postérieure, dont le traitement est certes rapide et efficace, mais non dénué de risque (œdème maculaire et décollement de rétine en particulier).

- La décentration de l’implant et le phimosis du sac apparaissent plus tardivement, et peuvent avoir des conséquences réfractives majeures, ce qui est d’autant plus fâcheux à l’ère de la chirurgie de cataracte réfractive… (rotation d’un implant torique, shift myopique ou hypermétropique en cas de mouvement axial du sac capsulaire). Il nous est rappelé au passage, qu’outre un mauvais polissage et un rhexis de petite taille, certaines conditions sont particulièrement à risque (entre autres et pour ne citer que les plus fréquentes : pseudo-exfoliation capsulaire, myopie forte, glaucome, antécédent de chirurgie vitréo-rétinienne, déhiscence zonulaire, diabète…).

- La contraction du sac favoriserait également les subluxations et luxations de sac tardives, par l’intermédiaire des tractions exercées sur la zonule.

- La prolifération et la fibrose rendent également très difficile un éventuel changement d’implant. En outre, les cellules résiduelles peuvent contribuer à majorer l’inflammation post-opératoire, prolongeant de facto la durée du traitement corticoïde post-opératoire.

Pour toutes ces raisons, le polissage du sac est une étape à ne pas négliger lors de la chirurgie de la cataracte. Pour qu’il soit efficace, il faut le faire le plus complet possible. Il doit s’attacher à nettoyer à la fois la capsule postérieure, mais également la face postérieure de capsule antérieure, et dans la mesure du possible l’équateur du sac (caché en général par l’iris). Les auteurs passent en revue les différentes techniques et instruments spécifiquement destinés à cette opération, rappelant entre autres l’intérêt des pompes Venturi, qui permettent une aspiration sans occlusion, et du coup facilitent les mouvements de balayage à la surface du sac sans contraindre la zonule.

Une partie de cette revue de littérature est consacrée à la prise en charge des contractions fibreuses du sac capsulaire, notamment par incisions capsulaires radiaires de décharge au laser Yag, souvent décevantes à long terme. La revue se clôture sur une invitation à transmettre cet art du polissage bien fait aux plus jeunes générations, qui ont tout intérêt à intégrer dans leur technique ces bonnes habitudes.

Une publication frappée au coin du bon sens, mais aussi de l’evidence based medicine, qui donne un éclairage complet sur une pratique de notre quotidien.

 

(1)Dada T, Gagrani M. Mindfulness meditation: can benefit glaucoma patients? J Curr Glaucoma Pract. 2019;13(1):1–2.

 

Darian-Smith E, Safran SG, Coroneo MT. Lens Epithelial Cell Removal in Routine Phacoemulsification: Is It Worth the Bother? Am J Ophthalmol. 2022 Jul;239:1-10.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : cataracte