Anti-VEGF et ROP: un nouvel essai important

 

La rétinopathie de la prématurité (ROP) est la première cause de cécité des prématurés dans le monde avec une incidence annuelle évaluée entre 28000 et 45000 cas. La photocoagulation rétinienne des zones ischémiques est le traitement de référence, cependant, il est relativement difficile à réaliser sur un œil petit et n’est pas sans complications ultérieures (cataracte, risque d’hypotonie en particulier). Les anti-VEGF, dont l’utilité n’est plus à démontrer chez les adultes atteints de rétinopathie ischémique, sont utilisés de plus en plus souvent chez les nouveaux nés. En effet, le traitement intravitréen est simple à administrer, sans anesthésie générale mais au risque de complications potentielles, en particulier au niveau systémique, d’ailleurs encore mal évaluées. Actuellement, il y a un manque évident de données scientifiques robustes dans l’usage des anti-VEGF chez les prématurés car, hormis quelques séries ou de petits essais cliniques, il n’y avait pas jusqu’à ce jour de vaste essai clinique. Stahl et al ont tenté d’apporter une réponse dans un essai clinique d’envergure dont les résultats sont rapportés dans le Lancet de ce mois.

L’étude RAINBOW est un essai clinique randomisé, ouvert, de supériorité dont le but était d’évaluer l’efficacité et la sécurité des IVT de ranibizumab en comparaison du laser rétinien dans le traitement de la ROP. Il s’agissait d’une étude multicentrique qui regroupait 87 centres de 26 pays différents. Les nouveaux nés devaient avoir un poids de naissance inférieur à 1500g et un diagnostic de ROP bilatérale, en zone I de stade 1+, 2+ 3 ou 3+, ou en zone II de stade 3+, ou une forme agressive postérieure de ROP. Les yeux avec une zone II stade 2+ n’étaient pas inclus car le traitement par anti-VEGF reste encore débattu selon les pays. Les altérations neurologiques potentiellement cécitantes conduisaient à une non-inclusion.

Les enfants étaient randomisés selon un design 1 :1 :1 en 3 bras : i) IVT bilatérale de ranibizumab 0,2 mg ; ii) IVT bilatérale de ranibizumab 0,1 mg ; iii) Traitement par laser.

Le laser pouvait être complété au 11ème jour, tandis que les IVT pouvaient être répétées au maximum 3 fois avec un intervalle de 28 jours entre chaque traitement. Des prélèvements sanguins visant à doser la concentration du VEGF étaient réalisés avant traitement, à J14 et J28 afin.

Cette publication rapporte le suivi à 24 semaines, mais le design de l’étude (financée par Novartis) prévoit un suivi sur 5 ans après traitement et donnera lieu à des publications complémentaires.

Du 31/12/2015 au 29/6/2017, 225 enfants ont été recrutés dans cette étude RAINBOW. Les nouveaux-nés avaient un âge gestationnel moyen de 26 semaines (23 à 32 semaines). L’objectif primaire visait à qualifier l’efficacité du traitement : le taux de succès était de 66% dans le groupe laser (45 des 68 enfants) et de 80% dans le groupe ranibizumab 0,2mg (56 des 70 enfants), soit un odds ratio (OR) de 2,19 (IC 95% 0,99-4,82 ; p=0,051). Une analyse de régression post-hoc qui tenait compte de différences mineures dans les données des groupes ranibizumab 0,2mg et laser (âge gestationnel, type de ROP notamment) donnait un OR plus favorable au ranibizumab 0,2mg avec une valeur de 2,32 (IC 95% 1,04-5,16). Dans le groupe ranibizumab 0,1 mg, le taux de succès était de 75% (57 des 76 enfants), soit un odds ratio de 1,57.

En termes de sécurité, les effets adverses étaient relativement équilibrés entre les trois groupes : il y avait malheureusement 4 décès dans chaque groupe, dont un dans le groupe ranibizumab 0,1 mg était potentiellement en lien avec le traitement (enfant décédé après une tétée dans les 24h de l’injection). Un enfant a présenté une cataracte unilatérale probablement traumatique post-injection dans le groupe ranibizumab 0,2mg. Un enfant du groupe ranibizumab 0,1 mg a présenté une endophtalmie 6 jours après l’IVT (il avait été traité 11 jours auparavant par antibiotiques pour une conjonctivite bilatérale). Au niveau systémique, le suivi sur les 24 semaines n’a pas mis pas en évidence de différences de pression artérielle, de taille, de périmètre crânien et de longueur fémorale. Les niveaux plasmatiques de VEGF à J0, J14 et J28 ne mettaient pas en évidence de différences entre les 3 bras du traitement.

Au total, voici un essai important qui frôle la significativité en faveur d’une supériorité du ranibizumab 0,2 mg. Les corrections statistiques proposées par les auteurs sont à considérer avec distance en raison de leur caractère post-hoc. L’effectif assez faible de l’étude n’aide bien sûr pas à obtenir un résultat franchement supérieur du ranibizumab contre le laser, cependant le suivi de cette cohorte va sans doute être particulièrement intéressant car les résultats pourraient changer à long terme, et les données de sécurité seront très importantes à analyser.

 

Stahl A, Lepore D, Fielder A, Fleck B, Reynolds JD, Chiang MF, Li J, Liew M, Maier R, Zhu Q, Marlow N. Ranibizumab versus laser therapy for the treatment of very low birthweight infants with retinopathy of prematurity (RAINBOW): an open-label randomised controlled trial. Lancet. 2019 Sep 12. pii: S0140-6736(19)31344-3.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : pédiatrie