Les traitements du virus de l’hépatite C évoluent. Mais les risques iatrogènes oculaires potentiels restent d’actualité

LES TRAITEMENTS DU VIRUS DE L’HEPATITE C EVOLUENT, MAIS LES RISQUES IATROGENES OCULAIRES POTENTIELS RESTENT D’ACTUALITE


Le traitement contre le virus de l’hépatite C (VHC) a longtemps reposé sur l’association ribavirine-interféron et les ophtalmologistes connaissaient bien la possibilité de survenue d’anomalies du fond d’œil à type d’hémorragies et de nodules cotonneux, signant une vascularite rétinienne (jusqu’à 60% des patients traités dans certaines séries). Même si le tableau pouvait être impressionnant, une simple surveillance, sans interruption du traitement, était suffisante dans la plupart des cas. En revanche, des neuropathies optiques antérieures aiguës avaient aussi été décrites, qui dans ce cas incitaient à modifier le traitement pour éviter une atteinte bilatérale.
Depuis 5 ans, les stratégies thérapeutiques à base de sofosbuvir (inhibiteur pan-génotypique de l’ARN polymérase NS5B du VHC) sont le traitement de référence des infections chroniques par le virus de l’hépatite C (VHC), notamment en combinaison avec le lédipasvir (inhibiteur de la protéine N5A du VHC, essentielle pour sa réplication et son assemblage). Cette association (nom commercial : HARVONI) a nettement modifié le pronostic global de la maladie, notamment pour les patients infectés par le génotype 1 du VHC, dont la guérison peut désormais atteindre 99% des cas.
Pour autant, ces nouveaux traitements ne sont pas sans conséquence sur l’œil. Il avait déjà été rapporté une atteinte de la fonction lacrymale et de la surface oculaire (qui d’ailleurs peuvent aussi être impactées par l’infection à VHC elle-même) et un cas d’uvéite non-granulomateuse. Mais la série de Padidam et collaborateurs (Detroit, USA) informe sur une nouvelle conséquence iatrogène, à propos de 6 cas d’uvéite postérieure survenue en début ou en fin de traitement par l’association sofosbuvir-lédipasvir. L’atteinte, bilatérale dans la moitié des cas, a débuté en moyenne 8,8 ±5,5 mois après l’initiation du traitement (qui durait 12 semaines).  Les principaux signes cliniques étaient une vascularite périphérique veineuse (89% des yeux atteints), une papillite (77%), un œdème maculaire cystoïde (67%), une hyalite (22%), un iritis (11%). Les cas les plus sévères ont été traités par une corticothérapie (topique, voire orale) sans pour autant arrêter le traitement antiviral. L’inflammation était totalement ou partiellement résolutive dans 17% et 50% des cas, respectivement, mais à l’inverse 33% des patients présentaient toujours des signes inflammatoires au bout de 8 mois de suivi.
Compte tenu du caractère non cytotoxique du traitement (les cellules infectées et traitées ne meurent pas), il est peu probable pour les auteurs que ces inflammations soient liées à un phénomène de type Jarisch-Herxheimer, comme on peut le voir dans la syphilis, ou même dans les infections cornéennes amibiennes correctement traitées. L’origine de cette inflammation reste donc à découvrir, mais pour la pratique clinique quotidienne, l’essentiel de l’information étant déjà disponible grâce à cette belle série.
Padidam S, Burke MT, Apple DB, Hu JK, Lin X. Association of ledipasvir-sofosbuvir treatment with uveitis in patients treated for hepatitis C. JAMA Ophthalmol. 2019;137(5):568-570
Reviewer : Marc Labetoulle