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A propos d’un cas de variole du singe avec manifestations oculaires sévères : description et iconographie

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Orateurs :
Mr Anthony SCHUTTE
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Résumé

Objectif

La variole du singe (ou monkeypox) est une zoonose due à un poxvirus. Décrite pour la première fois dans les années 1950, elle est endémique principalement dans les forêts du centre de l’Afrique tropicale. Depuis début mai 2022, de nombreux cas sans lien direct avec un voyage en Afrique ont été signalés en Europe et dans le monde, faisant l’objet d’une surveillance renforcée. Les symptômes les plus courants se caractérisent par de la fièvre, une asthénie, des céphalées, des myalgies, des adénopathies, associées à une éruption cutanée vésiculeuse pouvant durer deux à trois semaines. Plus rarement, elle peut s’accompagner d’une atteinte oculaire : nous rapportons et illustrons ici un cas de variole du singe avec une atteinte sévère des paupières et de la surface oculaire.

Description de cas

Il s’agit d’un patient de 40 ans, ayant pour antécédent notable une chirurgie réfractive (Lasik), reçu aux urgences ophtalmologiques au cours de l’été 2022 dans un contexte de conjonctivite de l’oeil gauche s’aggravant malgré un traitement local bien conduit depuis plusieurs jours. L’examen initial retrouvait un aspect de cellulite pré-septale gauche avec oedème palpébral supérieur et inférieur associé à une conjonctivite folliculaire avec chemosis. Le reste de l’examen montrait notamment une cornée claire, une absence de prise de fluorescéine sur la surface oculaire et un fond d’œil normal. La mise en évidence par la suite d’une éruption cutanée vésiculeuse prurigineuse sur le visage et le corps a conduit à réaliser un écouvillon sur les lésions cutanées confirmant le diagnostic de variole du singe.

Observation

Dès le diagnostic de monkeypox posé, le patient a été hospitalisé dans le service de maladies infectieuses et tropicales. On retrouvait initialement une aggravation des lésions au niveau de l’oeil gauche avec l'apparition d’ulcérations conjonctivales et cornéennes associées à une ulcération du bord libre palpébral supérieur et à des pseudomembranes. Un traitement par voie générale par cidofovir puis tecovirimat a alors été instauré, en plus d’un traitement par doxycycline dans l’éventualité d’une surinfection bactérienne. Sur le plan local, nous avons mis en place un traitement par trifluridine 1% en collyre, s’ajoutant à des lavages oculaires et des collyres antibiotiques. Les ulcères ont rapidement cicatrisé, mais ont été suivis par l'apparition de multiples infiltrats sous épithéliaux et d’un oedème stromal diffus. Une introduction prudente de dexaméthasone collyre a alors été décidée, aboutissant après plusieurs semaines de traitement à une disparition des signes et symptômes.

Discussion

Alors que les atteintes oculaires du monkeypox concernaient environ 25% des patients lors des épidémies en Afrique au cours des années 2010, celle de 2022 semble ne concerner qu’un pourcentage limité de patients, entre 0,8% et 2,9% selon les études. Il n’existe pas de traitement antiviral en collyre spécifique à cette infection. La trifluridine 1% en collyre a toutefois montré une efficacité in vitro contre les orthopoxvirus et a été utilisée pour le traitement des manifestations oculaires de la vaccine, infection proche de la variole. Son utilisation contre le monkeypox doit être considérée, mais son efficacité n’a pas encore été démontrée. Le traitement repose également sur plusieurs agents antiviraux administrés par voie systémique, notamment le tecovirimat, le cidofovir et le brincidofovir, dont l’usage est généralement réservé aux formes les plus sévères de la maladie.

Conclusion

La variole du singe peut être à l’origine de manifestations oculaires sévères, parfois inaugurales de la maladie, dont la prise en charge multidisciplinaire implique les connaissances de l’ophtalmologiste et peut constituer un défi thérapeutique.