Déterminer la progression du kératocône après l’arrêt complet du frottement oculaire.
Name
“Etude de l’efficacité de l’arrêt du frottement oculaire pour stopper la progression du kératocône : trois ans et plus de suivi »
Introduction
Matériels et Méthodes
Etude rétrospective monocentrique longitudinale de 142 yeux issus de 71 patients (74.6% masculins) atteints de kératocône ayant un suivi minimal de trois ans. Les patients devaient avoir entre 12 et 40 ans au diagnostic, et ne pouvaient présenter aucun autre antécédents ophtalmologique ou systémique hormis une allergie. La moyenne d’âge de la population était de 26,5 ans et la durée moyenne du suivi était de 52 mois. Le suivi a été réalisé à 6, 12, 24 et 36 mois, puis annuellement. Les patients ont été informé du diagnostic ainsi que de l’importance de l’arrêt de toute forme de frottements oculaires et des autres comportements à risque associés (position de sommeil pathologique, atopie) dès la première consultation. Une évaluation du respect des recommandations a été réalisée à chaque contrôle, ainsi qu’un examen clinique biomicroscopique et une topographie cornéenne par Pentacam® (Oculus, Allemagne). Les mesures retenues étaient la kératométrie maximale (Kmax), la kératométrie moyenne (Kmoy) et la plus fine pachymétrie (pachymin) aux deux yeux. Le diagnostic a été posé selon les critères du Consensus International de 2015 sur le Kératocône 1 : présence d’une ectasie cornéenne postérieure, d’un affinement cornéen non-inflammatoire et d’une répartition anormale de l’épaisseur cornéenne. Les critères de progression étaient définis selon Wittig-Silva et al.2, comme une majoration de plus d’une dioptrie du Kmax comme critère primaire, une majoration d’une dioptrie du Kmoy ou une diminution de la pachymétrie de plus de 5% comme critère secondaire.
Résultats
Sur la durée du suivi, il n’y a pas eu de variation statistiquement significative (p<0,01) du Kmax (+0.63 ± 2.78; p=0.077), du Kmoy (0.58 ± 2.00; p=0.047) ou de la pachymin (-4.50 ± 14.40; p=0.024). Sur les 142 yeux étudiés, 24 (16.9%) ont présenté au moins un critère de progression primaire ou secondaire. Parmi ces derniers, le frottement oculaire et ses comportements à risque associés étaient encore présents dans 21 cas, malgré les recommandations. Seuls 3 yeux (2.11%) ont donc progressé en l’absence de ces circonstances.
Discussion
Le frottement oculaire et ses comportements à risque associés (CRA) semblent être un facteur prépondérant dans la progression du kératocône. Un suivi régulier reste cependant nécessaire pour détecter le manque de compliance aux recommandations ainsi que les quelques cas progressant de manière inexpliquée. Dans ces cas uniquement, un traitement plus invasif pourrait être proposé. Il est montré que le frottement oculaire et CRA présentent une forte composante inconsciente. Ces gestes inconscients pourraient expliquer les cas de progression en absence de prurit déclaré. L’apport des nouvelles technologies pourrait aider à mieux déterminer cette portion anosognosique du frottement oculaire et CRA, et donc en améliorer l’éradication des habitudes du patient. L’étude présente plusieurs limitations, dont le manque de consensus international sur les critères de progression du kératocône, ainsi que la brièveté du suivi des patients. La perte de vue de ces patients peut s’expliquer par le caractère tertiaire de l’institution. Il faut souligner que les patients les plus susceptibles de ne plus faire suivre leur pathologique en présentent souvent les formes légères.
Conclusion
Cette étude suggère qu’une large partie des kératocônes peuvent rester stables sans autre traitement que l’arrêt des frottements oculaires et CRA. Les traitements plus invasifs devraient être réservés aux cas réfractaires.